Le petit garde barrière
C’est un petit garde barrière
Qui habite près de la rivière,
Chaque aube des matins,
Il prend la route puis le train.
Chaque matin, il pose délicatement sa veste
Sur ce vieux porte manteau rouillé,
Lui a tant vu, tant de départs, ceux qui restent
A quai pour voir les trains s’éloigner.
Un matin de printemps, sur le quai attendait
Une jeune fille radieuse et tout de blanc vêtue, sa robe lui glissait
Sur le corps, elle regardait son reflet dans le miroir, pour se poudrer
Le nez, ajuster son teint, se maquiller
Une dernière fois ses grands yeux bruns.
Le petit garde barrière, la regardait comme une étoile
Déposée sur le sol gris de ce quai, sans qu’il ne dévoile
Son émotion, il s’approcha d’elle pour lui parler, son parfum
Suspendait l’air d’une douce ambiance,
Le petit garde barrière rêvait d’un bonheur intense,
Mais elle ne s’en occupait pas, rien ne semblait la déranger
Seul son aisance faisait d’elle une femme sans égale à nulle autre,
Et pourtant, il se sentit pousser des ailes, pour l’approcher, lui parler.
L’espoir vu vaincu par un geste de dédain de cette dame, elle n’avait
Aucunement besoin de lui parler, juste lui tendit elle par mépris son billet,
Tenez et pointez le monsieur le contrôleur, dit-elle en riant,
Le petit garde barrière retint ses larmes, toute la douceur d’une vision
Qui s’écroule en quelques instants.
Alors, de ses yeux embués de tristesse, lui rendit son passe-droit, illusion
D’un moment simple, que personne ne comprendrait au final.
Elle de ses grandes jambes, battait l’allée du Quai,
Puis au loin entendit le train arriver.
Elle le poussa prestement de prendre fait et bagages, de lui les monter
Sur ce wagon, qui semblait pourtant la repousser,
D’aucun moment elle ne lui sourit, aucun moment elle ne le regarda,
Jamais aucune dame ne l’avait ainsi traité,
Lui, petit garde barrière, qui ne savait pas de quel milieu il était
A cet instant, toute sa vie bascula dans le silence et l’oubli, mais il subsistait
En lui toute l’humanité d’un grand cœur, qui ne lui sera jamais volé,
Elle prit place dans sa couche, ses gloussements de rires accompagnait le train qui s’éloignait des Quais
Avec à son bords une Dame d’une grande impureté finalement, qui d’apparence n’en avait
Qu’un vague dessin, mais probablement que son cœur lui était souillé.
Le petit garde barrière à la nuit tombée, pris la route du retour, égaillé
Par tant de rires d’autres passants, de gestes simples et remerciements,
Le bonheur se suffit de peu de choses par moment….
Connaissez-vous finalement ce petit garde barrière ?
Il ne vit probablement pas loin de votre chaumière.
© Michel COSENTINO