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De l'ombre à la Lumière - Histoires de textes et Légendes
De l'ombre à la Lumière - Histoires de textes et Légendes
30 mars 2015

Chapitre 1

Les Vents d’Août

Août 1939

En septembre 1939, alors que les Allemands étaient concentrés à envahir la Pologne, l'armée française envahissait l'Allemagne à l'ouest.

C’est le début du désordre et du chaos que va traverser l’humanité toute  entière.

 

« Sicile, beauté sauvage, terre de feux, mystère et charme sont les deux parfums qui s’échappent de ton cœur. L’Etna avec son tempérament d’amant colérique et fougueux, garde  jalousement l’entrée de l’île pour préserver sa nature et son silence.

Je me souviens il y a si longtemps d'un pré où j'aimais me ressourcer. 
De ce champ de fleurs parfumé de senteurs de pâquerettes, de coquelicots et de marguerites.
Il y avait dans le fond de ce pré, un splendide olivier qui se tenait là droit comme un ''i'',

Imposant, grandiose et superbe.
Ses longues rames étaient composées de longues terminaisons feuillues,
Quand le vent venait le bousculer, on eût cru voir la lutte de David contre Goliath,
Du Cyclope contre Jason, mais rien ne semblait déranger cet olivier bicentenaire.
Cela m'impressionnait de le regarder tant sa grâce que sa beauté,

tant par sa hauteur, que par les sillons gravés sur son écorce.
Lorsque le soleil déclinait, j'aimais me reposer sous cet arbre,
Je le touchais, le caressais, et essayais de m'emplir de sa force.
Témoin fidèle et silencieux de tant d'histoires d'amours,
Auxquelles jamais il faillira, aspirant comme sa propre sève
Tous nos murmures et lamentations, joies et rires,
Malheurs et tourments.
Je me souviens il y a si longtemps du pré vert de mon enfance, de cette paisible rivière d’où j'aimais m’y baigner,
De cette belle fille que j'ai tant aimé,
De ces caresses qu'elle m'avait donné
Et tant de plaisirs partagés.
Elle avait la peau senteur lilas
Les yeux pierres de Jade
D’une douceur infinie,
Nous passâmes les meilleurs étés

Couchés sous cet arbre
Pour t’aimer à tout jamais »

Pour Anna et Giuseppe.

 

 

Le soir étendait sa longue robe noire au sommet des bâtisses plongées dans la semi pénombre.

La bise tiède descendait des collines     apportant un peu de fraîcheur au crépuscule féerique. Au loin dans les cieux, l’horizon devint orangé. Le soleil voulait encore marquer sa présence cette magnifique journée.

Les collines rejetaient la fumée du feu que certains paysans avaient allumé pour supprimer mauvaise herbe et broussaille asséchée.

Les grillons entonnent leur chant rituel, tandis que les premières lucioles dansaient dans la nuit.

Au centre, il y avait notre propriété, Il CASTELLO.

Mes grands-parents paternels avaient fait de grands sacrifices pour créer ce formidable domaine. Il est le berceau, la genèse de nos origines.

La rivière zigzaguait autour du domaine.

De hauts murs de pierre entouraient la demeure.

Une grille de fer forgé barre l’entrée de la cours. A droite l’écurie et l’étable, et au fond, un grand jardin paré de splendides d’oliviers, des citronniers et des noisetiers.

Un grand caroubier, à l’écorce brune et rugueuse, offre un abri pour beaucoup d’oiseaux.

 

Côté Sud Est, le portique voûté de la propriété conduit droit aux premiers champs.

Contre le mur nord, à l’abri de la chaleur, quelques plants de thym, de basilic, de romarin, de menthe sauvage, de sauge, d’origan, et de fenouil.

 

Nous étions 5 enfants à la maison. Je suis l’aîné de la famille.  Antonio, le second enfant, à un caractère assez libertin. Salvatrice, troisième enfant, n’est pas très bavarde. Renfermée, elle passe le plus clair de son temps à lire ou à coudre. Elle aime aussi le chant.

Calogero, cadet de la famille, nous sommes très proche l’un l’autre. Il suit un apprentissage à l’école des mines.

Enfin, Angelo, le petit dernier, est âgé d’un an et demi.

Notre maison respire le calme et la bonne humeur. Nous passions souvent nos soirées, à jouer à la scoppa, ou à terminer par un bon verre de vin frais sous le patio.

Mon père et moi sommes très proches. Il suffit d’un simple regard, il est ce complice et ami.

L’équipe est complétée de cinq métayers et de dix journaliers ils sont l’ossature essentielle de notre exploitation.

 

A porte de l’entrée Nord, est gardée par les chiens de campagne. Ils sont grands, élancés et rapides comme le vent. Punto, le mâle est noir comme la nuit. Virgola la femelle, était tachetée comme la neige et les cendres de l’Etna.

 

L’air humide rafraichie et apaise nos épaules du battement d’un soleil quotidien. Les sacs de froments posés sur la charrette, signe enfin d’une quiétude après tant d’efforts.

 

-         Andiamo figlio mio (allons y mon fils), ta mère nous attend.

Nous avions finit de ranger le matériel dans le hangar.

‘’ Un paysan travaille du lever lune au soleil couchant!!‘.

 

Une fois le matériel rangé, je ma lavais les mains, et entrait dans la grande salle à manger où ma mère avait préparée comme chaque jour un si bon repas.

Il suffisait de voir ces assiettes blanches décorées d’un fin filet doré pour imager ce qui allait être servi ce soir.

Mon père s’approcha d’elle, l’embrassa tendrement sur le front. Je profitais pour sortir sur le perron pour fumer une bonne cigarette, compagne de mes longues soirées.

 

 

Au matin qui se lève, j'accompagnais ma mère au marché. Il était difficile de faire un pas sans qu’elle ne fasse la rencontre d’une connaissance.

Par moment, le soleil venait réchauffer cette plèbe fébrile, qui se débattait dans cette fourmilière mercantile.

Puis soudain, à quelques mètres de moi, Anna était près du stand de tissu.

À l'angle de la rue, près du poissonnier se tenait une escouade de fascistes qui brandissaient des tracts en hurlant leurs slogans. Soudain Anna disparue avalée par cette foule en furie.

Quelques mètres plus bas, au travers de notre route, le Brigadier-Chef Marco di Leo, se tint droit comme un bâton.

Les jambes arquées, comme une grue immobile sur un étang, les mains sur les hanches, son chapeau lui couvrait le visage. Il parla d’un ton faussement amical :

- Bien le bonjour, Madame, dit-il sur un ton sarcastique et supérieur ; je vois que ce jeune homme si robuste ferait une excellente recrue pour notre escouade. Je suis prêt à lui donner, une bonne solde, un métier, une éducation, des compagnons…

- Ecoute moi bien Marco, pour commencer on se décoiffe en saluant une femme, et on s’adresse à elle sur un ton plus courtois !

Ma mère le connaissait depuis longtemps. Elle m’avait parlé d’un jeune homme, qui l’avait harcelé durant ses études, mais n’avait jamais prononcé son nom. Je me doutais bien que cela ne pouvait être que celui qui se tenait droit devant nous. Elle me parla de cet homme qui faillit perdre la raison, et qu’il tenta de se donner la mort. Abandonné par son destin, il chercha réconfort auprès des filles libertines et de joies.

Plus tard il rencontra une maquerelle prénommée Silvia avec laquelle il se mit en ménage. Elle tenait une auberge de ‘’vie’’ à Serradifalco. Chaque soir elle se donnait en spectacle devant les troupes militaires, où elle reprenait des célèbres chansons venues d’outre Rhin.

Je soupçonnais qu’il éprouve toujours des sentiments forts envers ma mère. Rien qu’à cette idée, mon mépris envers ce coq de bassecour s’accentua.

Il ôta sa casquette maladroitement, puis salua comme par habitude :

- Oui, pardon, dit-il d’un ton plus cordial. Ton fils, disais-je, à maintenant l’état d’être incorporé dans les escouades. Il nous sera très utile, tu sais, et il sera vite caporal ...

 - Cela je te réponds déjà ‘’non’’ car il travaille avec son père à la ferme. Laisse-nous passer car nous devons partir et nous sommes déjà très en retard. Je te salue Marco !

Marco s'écarta du chemin et prononça ces mots :

- Soit… mais sache que nous passerons chez toi, et parlerons avec ton époux.

- Nous sommes pressés par le temps, aussi laissez-nous passer maintenant, répéta t’elle sèchement.

Marco me regarda surpris, puis repris par automatisme ce geste ridicule de salut en nous souhaitant, tout de même, une bonne route. Il claqua des talons, puis se tourna vers ses hommes et reprirent leur route.

 

J'entendis ma mère prononcer ces mots en serrant les dents

- Ils ne prendront pas notre fils pour l’emmener dans leur armée. 

 

Nous prîmes le chemin du retour, sans prononcer une seule parole.

Lorsque nous entrâmes dans la pièce mon père était assis. Il tenait entre ses mains sa pipe qu’il s’apprêtait à l'allumer.

- Assunta, tu en fais une tête? s’exclama-t-il.

- Nous avons fait une mauvaise rencontre au marché. Marco Di Léo s'est approché de nous avec son escouade, il veut que notre enfant Giuseppe rejoigne leur brigade. Il va venir nous voir ici à la ferme. Michel, il faut faire quelque chose il faut les empêcher d'agir de la sorte. Mon père n’est pas homme à avoir peur de ces fascistes.

Il est de ces hommes dont la force est faite d’une matière robuste et inaltérable qu'un caractère bien forgé, qui reste toujours maître de son destin.

 

Ils s’étaient rencontrés un jour de bal du printemps de mai 1919.

Elle si belle et rayonnante dans sa robe de soie brune à liseré de dentelle, brodé par les petites mains de Favara.

Lui, aimait à dire que c'était son étoile tombée du ciel, sa maxima constellatio.

Mon père, après 5 ans de fiançailles, vint à demander la main de sa promise.

Ma mère d’un sourire complice me fit le récit de cette journée mémorable.

Pendant que les pères se parlent en aparté, les mères font l’inventaire de la dote matrimoniale.

Le soleil posa ses rayons au pas de la porte, un léger souffle tiède traversa la pièce. Sara, ma grand-mère, servit le café. Une odeur de caramel flottait dans la pièce, celle de ce fameux ‘’Torrone siciliano’’ qu’elle avait préparé la veille. Mes grands-parents parlèrent longuement. Puis, une fois l’ensemble des modalités ‘’pratiques’’ réglées, Calogero sorti de son armoire en chêne massif, une bonne bouteille de ‘’Grappa’’.

Ce fût le 29 septembre 1924, jour de la San’Michele’, qu’ils célébrèrent leur union.

 L’année qui suivie, vit ma naissance, et par la suite celles d’Antonio, Calogero, Salvatrice, et enfin d’Angelo.

Comment imaginer cette existence paisible, et faite certes d’un dur labeur, qu’elle puisse aussi nous porter au loin de ces instants troubles.

 

Il y a une douce odeur d’amandes grillées qui remontait le long de la colline. La délicatesse d’un subtil fumet boisé, provenait certainement de la  torréfaction des grains de café que Valerio préparait dans son four. Il les apportera en ville, puis, dans sa boutique aux milles senteurs d’Afrique, il moudra les grains, d’où ressortiront de grands nectars. Au-devant de sa porte, une grosse cafetière amalfitaine trônait au milieu de la pièce, tel un trophée de champion. Son enseigne arborait sur le fronton ces lettres dorées venues d’une autre époque. Celle de la joie et de l’allégresse, celle du temps des amis qui savourent une bonne tasse en toute quiétude. Il y avait quelques tables en fer blanc, avec trois chaises autour de chacune d’elles, symbole du triangle de l’amitié.

 

Après de longues heures à discuter, il fallait songer au chemin du retour.

 

Lorsque je franchis le pas de la porte, je vis le regard vide de ma mère, ses yeux penchés au-dessus de la casserole.

Je compris que mes parents avaient eu une discussion importante. L’air pesant de la pièce me confortait dans ma pensée.

Mon père parla encore un moment, et expliqua qu’il n’y avait qu’une seule solution, le monastère !

Je n’étais pas enchanté par cette idée, ni de ce choix.

Ma mère avait enfin retrouvé le sourire, serra mon père dans ses bras, avant de se tourner vers moi en me disant :

-         Viens ici mon fils, que nous parlions ensemble.

Après de longues minutes à évoquer mon avenir, je compris qu’il n’y avait guère d’autre alternative.

 

Le chant du coq salua l’aurore précoce de cette nouvelle journée. Les étoiles tapissaient encore le ciel, lorsque je me levais dans la fraîcheur du matin. Mes mains tâtonnaient dans le noir…. Mes yeux cherchaient une lumière qui guiderait mes pas vers la sortie de ma chambre.

Nuit par un sommeil agité, entre le doute et la résignation, il fallait que je me fasse une raison.

Le café parfumai la pièce, ma mère servi le pain encore tiède qu’elle avait fait tôt ce matin.

Je regardais ma tasse plongé dans mes pensées, lorsque mon frère Antonio, d’une petite tape sur la tête me salua.

-         Fratello, tu rêves encore ! Mama il est tout le temps comme ça !

-         Antonio, laisses le tranquille, prends ton café !

 

Je sortais sur le pas de la porte, avec le bol entre les mains, puis scrutant les cieux, aux reflets pâles et froids du matin. L’aube soulevait ses dernières grappes moites. Au loin, des corneilles s’élevèrent dans les airs, tournoyant autour d’un axe imaginaire, avant de partir vers le sud. Leurs cris traversèrent les nuages, laissant derrière elles des stigmates à un silence campagnard.  Une légère bise souleva le sol aride, en faisant tournoyer quelques brins de paille autour du mât central de la cour. Cette terre sablonneuse avait quelques fois des élans de générosité. Elle nous offrait toute sa force, pour que nous puissions y plonger tous nos espoirs. Certains oliviers étaient tri centenaire. Francesco, le premier métayer, disait que ces arbres avaient des racines si profondes qu’ils pouvaient s’abreuver très en avant dans le sol. Cela les rendait plus robustes face à ces longs mois de sécheresses.

Plus loin, près de la rocaille, poussaient les figues de Barbaries. Ces fruits étaient très prisés en période de fête.

Je pris congé de mes parents, pour gagner les terres de ‘’Turlifi’’ où les métayers m’attendaient déjà.

 

Le soleil se manifestait avec force et vigueur, alourdissant l’atmosphère d’un air chaud. Zéphyr renonça à verser une goutte de vent pour venir me rafraîchir. Le ciel avait cet éclat d’azur limpide et si pur. Une tourterelle vint s’abreuver autour de la petite fontaine d’Archangela. Elle avait été érigée vers 1500 ou 1600, pour apporter au pèlerin de passage, un peu de fraîcheur sur sa longue route vers la grande Jérusalem. On dit que son eau est si riche et qu’elle apportera vigueur à celui qui y goûtera. Seul les vrais croyants seront touchés par la grâce, disait la légende. Il n’empêche qu’à chaque fois que je goutte à cette eau, issue de ce petit bec, en forme de col de canard, en fonte, il me semble que ma journée paraissait moins pénible. Absorbé dans mes pensées, je continuais à ruminer sur mon départ pour cet ordre.

Soudain un serpent sortit de sous la rocaille, je voulus dévier ma course, mais l’Amalia se cabrait sur ses pattes arrières. Projeté dans les airs, je virevoltais, et tombais sur les reins. Ma tête vint heurter une pierre, ce qui me fit perdre connaissance…

-         Hé, vous…. Une douce voix vint à mes oreilles. Comment allez-vous ? vous nous avez fait une belle frayeur.

Je n’imaginais pas ce qui était en train de se produire à mes yeux étonnés. C’est ma princesse sicilienne, la belle Anna qui est posée sur le bord du lit, elle me tend un chiffon humide pour le poser sur mon front finalement.

-         Tenez le contre votre front gros béta ! Qu’elle idée de passer par la route des collines caillouteuses, tous les gens du pays savent que c’est un passage difficile !

J’avais encore du mal à réaliser, et ma surprise me prit un temps à réagir.

-         Anna, pourquoi je suis ici ?

 C’est mon père qui t’a trouvé étendu, étendu à inconscient sur la route. Il t’a ramené ici, accompagné par le Docteur Severio. Tu as de la chance, car à quelques centimètres près, ta tête heurtait une grosse pierre. Tu t’en tireras avec un hématome et une belle bosse à la tête.

Je ne me souvenais de rien, hormis cette maudite chute. Elle posa lentement sa main sur la mienne, puis se retira de la pièce.

Quelques instants plus tard, ses parents entrèrent dans la chambre accompagnés de mon père.

Je le rassurai que tout allait bien, je n’avais qu’une douleur à la tête, mais je pouvais tenir sur mes jambes. Alors, il frappa son béret contre sa jambe, signe de joie.

-         Pour vous remercier, je vous invite tous à souper chez nous la semaine prochaine. Qu’en dites-vous ?

Michel, je ne peux qu’accepter avec joie, et ce sera une occasion de nous revoir, c’est si rare de se réunir par ces temps sombres.

 

(c) Michel COSENTINO Tous Droits Réservés ''Extrait de Vento d'Agosto""

 

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